Chronologie1991. Naissance d'Aveline, première fille d'Athelstan Nott et d'Eliane Lestrange.
1998 L'adultère de sa mère est découvert en même temps que le sang-mêlé du cadet. Eliane prend la fuite avec son fils.
2002. Aveline entre à Poudlard. Le Choixpeau hésite longuement avant de l'envoyer à Poufsouffle.
2009. Elle obtient de justesse ses ASPIC puis tente d'intégrer le Ministère en tant qu'apprentie auror, mais est refusée. À défaut, elle est prise chez les Rafleurs, où elle deviendra responsable tactique quelques années plus tard.
2010. Mariage avec Gabriel Rosier.
2014. Naissance de Judith. Elle refuse de mettre sa carrière entre parenthèses durant ses grossesses, ce qui fait jaser.
2018. Naissance d'Honora.
2020. Il y a six mois, elle fait une fausse couche au cours de sa troisième grossesse. Son frère tente de lui rendre visite à Ste Mangouste et tombe nez à nez avec son père. Les deux homme se battent. Son frère tue son père avant de prendre la fuite.
HistoireJe fais souvent ce rêve. Le souvenir n'est pas spécialement précis, mais le décor est net : je suis assise dans l'herbe sous le saule pleureur du parc, avec mon frère. Je dois avoir environ 7 ans tandis qu'Oswald en a 4. Non loin, Kara est assise sur une chaise de jardin et nous surveille du coin de l’œil, un livre à la main.
Je vois alors ma mère arriver. Ses traits sont flous, même les photos ne suffisent plus à m'imaginer son visage. Elle s'approche, se penche sur nous et prend Oswald dans ses bras. Puis elle se retourne sans me regarder.
Dans mon rêve, je l'appelle longuement alors que sa silhouette s'éloigne dans les hautes herbes. Curieusement, je suis certaine de ne pas l'avoir appelé, ce jour là. Même si une part de moi réalisait que quelque chose d'anormal était en train de se passer, comment aurais-je pu imaginer ne jamais la revoir ?
***
Mon père était un héros. Un homme courageux, capable de tout pour notre bien. Il avait mené notre famille à la grandeur et sans la trahison de ma mère, il aurait pu faire des Nott des sorciers extrêmement influents. C'est d'ailleurs son dévouement aux mangemorts qui nous a évité la plus totale humiliation. Jusqu'à sa mort, il a fait partie des plus loyaux conseillers du mage noir. Il espérait le même destin pour moi et je prie Merlin d'un jour satisfaire ses espoirs.
***
Journal de Kara Greyson, septembre 1998Athelstan Nott est un monstre.
Je couche ces mots sur le papier à défaut de pouvoir les hurler dans les rues de Londres. Quand les mangemorts sont arrivés au pouvoir, je savais que les individus tels que moi souffriraient. Être prise comme nourrice dans une famille, plutôt que simple bonne, fut une chance. Pendant quelques années, les choses n'étaient pas si terribles. Aveline est une petite fille sensible et intelligente, comme sa mère. Oswald était un véritable trublion. Je me suis attachée à eux deux.
Mais une fois Eliane partie, tout a changé. Elle ne réalise sûrement pas tout le mal qu'elle a fait, en écoutant son cœur. Aveline ne parle presque plus. Même ma compagnie ne suffit pas à lui redonner du courage. Elle boit les paroles violentes de son père, qui l'incite à la haine et au désir de vengeance alors qu'elle n'a même pas encore dix ans.
Oui, Athelstan Nott est un monstre... Aujourd'hui, il a posé ses mains sur moi. Jamais il n'avait osé. Hurlant des insultes, il ne cessait de parler d'Eliane.
« J'aurais dû apprendre à cette salope à m'obéir. Viens là, je vais te montrer comment une femme doit satisfaire son mari... »
Une part de moi a craint qu'il ne me tue, si je le repoussais trop - il en a le droit, après tout, et qui se serait soucié de la mort d'une sang-de-bourbe ? Mais il devait avoir bu, car j'ai facilement réussi à lui échapper. Fuyant les cuisines où il m'avait surprise, j'ai découvert en poussant la porte qu'Aveline se tenait derrière le battant et qu'elle avait sans doute assisté à la scène. Elle ne semblait pas vraiment choquée. Qu'avait-elle vu d'autres, pour ne pas montrer le moindre signe de frayeur ?
Je l'ai ramené à sa chambre. En voyant l'enfant, monsieur Nott avait abandonné toute idée de me poursuivre. Mon cœur bat encore la chamade d'y repenser. Va-t-il recommencer ? Devrais-je m'y prêter pour garder la vie sauve ?
Maudit soit ce manoir. Maudits soient les Nott.
***
Je les déteste tous. Ils ne savent pas de quoi ils parlent ou à qui ils ont affaire. Ils croient que je ne remarque pas leurs rires et leurs regards. Ils n'ont pas le droit de me traiter ainsi, mon sang est pur et un jour, je serai plus forte et respectée que n'importe lequel de ces sales gamins gâtés. Père a raison. Les erreurs de Mère nous font du tord, pendant qu'elle reste impunie. Qu'a-t-elle jamais fait pour nous, à part jeter l’opprobre sur toute la famille ?
***
« Je ne comprend pas, monsieur Nott. Aveline était une élève discrète en première année, elle n'a jamais causé de problèmes jusqu'à présent, et la voilà qui s'attaque à ses camarades... Avec une violence inouïe, qui plus est. Elle a planté un couteau de cuisine dans la main d'un élève de quatrième année. Avez-vous une explication à un tel comportement ? »
Je fixe le directeur de Poudlard sans piper un mot, alors que mon père me jette un regard en biais qui n'a rien d'amène.
« Je suis sûr qu'il s'agit d'un regrettable accident, monsieur le directeur. Soyez assuré que cela n'arrivera plus, l'éducation de ma fille est ma priorité.
- Ce genre d'incident mène d'ordinaire à un simple renvoi, monsieur Nott.
- Bien sûr, mais nous ne sommes pas de simples sorciers, voyons. Je suis certain qu'un très généreux don à l'école saura atténuer les conséquences de cette fâcheuse histoire. »
Après un long silence, le directeur acquiesce. Mon père me fait signe de sortir du bureau. Je l'attend devant la porte. Lorsqu'il apparaît, je vois qu'il peine à cacher une colère grandissante. Il me saisit le bras sans douceur et un bref couinement de douleur m'échappe.
« Ne me refais plus jamais ça. Tu veux te traîner une réputation de folle ? Être la fille d'une salope ne te suffit pas ? Si tu dois te venger, fais-le sans te faire attraper, imbécile ! »
La gifle tombe et moi avec, secouée par le choc et la surprise.
***
J'ai appris à faire semblant. Au final, c'est ce qu'ils veulent tous : entendre ce qu'ils ont envie d'entendre, voir ce qu'ils espèrent voir. La vérité ne les intéresse pas. Ils veulent faire de moi une créature humiliée, vivant dans l'ombre d'erreurs qui ne sont pas les siennes et bataillant pour quelques miettes de respectabilité. Ils me fantasment faible, dominée par d'autres, repentante.
Je n'ai jamais compris pourquoi le Choixpeau a insisté pour m'envoyer à Poufsouffle. Un cœur juste et loyal ? Comme les autres, il m'a cru faible et incapable de mener mes propres luttes. Ils se trompent, tous autant qu'ils sont. Mon père m'a appris le vrai sens de la force. Il m'a montré comment vaincre mes faiblesses et je suivrai ses pas jusqu'à mon dernier souffle.
***
La note, tracée d'une écriture fine et élégante, est posée sur la table de chevet.
Chère Aveline,
Je sais qu'il est absurde de t'écrire une lettre alors que tu es ma femme et que nous vivons sous le même toit, mais ces dernières semaines, il fut pratiquement impossible de te croiser plus de quelques minutes. Peut-être aussi que ton regard me met mal à l'aise : je ne pensais pas avoir épousé femme si froide, et même si je sais bien que notre mariage n'est guère plus qu'une alliance, je suis peiné de te voir t'éloigner ainsi.
Honora te réclame souvent. Nous en avons déjà discuté, mais tu devrais passer plus de temps avec elle et moins au Ministère. C'est le rôle d'une mère et j'ai l'impression que tu l'as oublié il y a longtemps.
Mes parents ont accepté nos fiançailles parce qu'ils ont vu en toi une femme travailleuse, capable de dépasser la réputation de sa famille... et aimante. J'aimerais croire qu'ils avaient raison.
Gabriel***
« Monsieur Rosier, je suis vraiment désolé. Elle va s'en sortir mais nous n'avons pas pu sauver l'enfant. »
Gabriel reste silencieux, s'asseyant brusquement sur une des chaises s'alignant dans ce couloir de Ste Mangouste. Le médicomage semble hésiter longuement.
« Je dois vous dire que c'est très inhabituel. Les deux premières grossesses se sont déroulées normalement et cette fausse couche est arrivée de manière très... soudaine. Nous sommes en train de faire des analyses pour déterminer s'il ne s'agirait pas d'une... interruption volontaire. »
Gabriel relève les yeux, son visage exprimant la surprise.
« Vous voulez dire qu'elle aurait pris une potion pour y mettre un terme ?
- C'est une possibilité, oui. Soit cela, soit elle a été empoisonnée par quelqu'un ne souhaitant pas voir naître l'enfant. »
***
Je crois que je suis en train de rêver. La pièce est blanche, les draps aussi. Il manque le parfum de Gabriel sur l'oreiller. Je n'essaie pas de me lever - c'est un rêve, à quoi bon ? Un visage apparaît au dessus de moi, se penchant pour me regarder. Ses traits expriment l'inquiétude. Qui est-ce ? Il semble réaliser que j'ai les yeux ouverts et a un mouvement de recul.
« Aveline... »
Oswald. Je reconnais sa voix. Étrange comme les images ne suffisent pas, là où la voix laisse un souvenir immuable. C'est la première fois que je rêve de lui. Un sourire étire mes lèvres et je cherche à former les mots :
Tu me manques. Une douleur me cueille alors, tel un couteau planté au creux de mes reins.
J'entend un bruit de porte qui s'ouvre et la voix tonnante de mon père.
« Qui êtes-vous ? Vous connaissez ma fille ? »
Ce n'est pas un rêve. Le mal qui me ronge le ventre est réel, de même que les deux hommes se tenant dans cette chambre d'hôpital. Je me redresse à la hâte, ignorant la douleur, pour mieux voir ce qu'il se passe.
« Oswald ? C'est toi ? »
Mon père n'attend pas de réponse avant de sortir sa baguette. Une gerbe d'étincelles en jaillit mais manque sa cible, frappant un meuble. Oswald tente de filer vers la porte ; il est arrêté dans sa course par les bras puissants de mon père le plaquant contre le mur. Ses mains se referment autour de sa gorge et il resserre peu à peu sa prise. Je l'ai déjà vu tuer de cette façon.
Je ferme les yeux. Ce jour devait arriver, je m'y suis préparée... alors pourquoi les larmes coulent-elles sur mes joues ?
Un cri rauque me fait relever la tête. Les deux hommes sont maintenant au sol. Une flaque de sang commence à s'étendre en dessous. Je vois Oswald repousser le corps inerte de Père. Il a une arme dans la main ; ce n'est pas sa baguette mais un simple couteau. Il me regarde, l'air hagard.
« Non... Espèce de MONSTRE ! »
J'arrive enfin à me lever. Je cherche ma baguette, dans les plis de ma robe, sur la table de chevet - où est-elle ? Je m'appuie aux meubles pour avancer, la souffrance me tordant les tripes.
« Je suis désolé... »
Il s'enfuit comme un lâche et je n'ai pas la force de lui courir après. Je me laisse tomber auprès du corps et lui offre ce qu'il me reste de larmes. Est-ce ainsi que finit un grand homme ? Poignardé par un garçon idiot et couard ? Cela n'a aucun sens...
***
Je pousse la porte de la chambre de Kara. Petite, j'adorais cet endroit : la pièce la plus petite du manoir, et la plus chaleureuse. Cette femme qui m'a élevée, a désormais la charge d'élever mes enfants. Un cercle parfait, auquel j'ai décidé de mettre un terme.
Kara relève les yeux du livre dans lequel elle était plongée. Je n'ai jamais vraiment saisi le plaisir qu'elle trouvait dans ses lectures. Ce n'est qu'une fuite en avant, une illusion de plus. Elle sourit, ne semblant pas du tout inquiète malgré la baguette se pointant lentement vers elle. Elle se lève, pose son livre et s'approche, tandis que je fronce les sourcils face à son indifférence.
« Tu n'as pas à faire ça et tu le sais. Tu as toujours été très maligne, Aveline. J'aurais aimé pouvoir mieux te protéger de ton père et de son venin... »
Je la fixe avec dédain, une moue tordant mes lèvres. Croit-elle vraiment pouvoir me faire changer d'avis avec des paroles aussi mièvres ?
« Il a toujours fait ce qu'il fallait, pour moi. Sa seule erreur a été de te laisser t'attacher à moi, et me faire croire que je pouvais t'aimer comme une mère en retour. Ou peut-être savait-il très bien qu'un jour, je comprendrais quoi faire... »
Dans ma tête, je récite les mots mortels, plusieurs fois - préparant mon courage. Kara continue d'avancer et je cherche à reculer, mais la porte est dans mon dos. La main de mon ancienne nourrice se lève pour venir caresser ma joue dans un geste tendre.
« Tu peux encore trouver un autre chemin, Aveline. Tu n'es pas seulement ce que ton père voulait que tu deviennes... Toute cette violence, toute cette douleur. Il aurait dû te laisser pardonner. »
Un lourd silence s'installe, quelques larmes perlant à mes yeux. Je répète les mots, sans les comprendre.
« Pardonner ? »
Kara acquiesce lentement.
« Si elle t'a laissé, c'était pour te protéger. Ta mère t'aimait. »
Un éclair verdâtre bondit soudain de ma baguette, frappant la cible de plein fouet. Je reste plaquée contre la porte, regardant le corps sans vie glisser à terre. Colère et douleur se mélangent...
Mais j'en suis désormais convaincue. Kara était stupide de croire aux contes de fées.
***
« Est-ce que c'était toi ? Tu as avorté ? »
Je ne répond pas à la question, lui tournant le dos. La chambre est plongée dans l'obscurité et je cherchais le sommeil quand la voix de Gabriel s'est élevée. De longues minutes s'écoulent ; je commence à nouveau à m'endormir quand je le sens s'agiter à mes côtés.
« Aveline, répond-moi, s'il te plaît. Si tu ne veux plus qu'on ait d'enfants, dis-le moi, au lieu de... de te faire du mal. »
Avec un soupire, je me retourne vers lui et plaque une main contre sa bouche.
« Arrête de dire des idioties. Ce n'était pas moi. Aussi agaçant que ce soit de faire le diamètre d'une baleine, je compte bien te donner un héritier. »
Le ton est froid, presque professionnel. Cela fait longtemps que je ne cherche plus à lui cacher mon indifférence. Je le sens repousser ma main, n'ayant visiblement pas dit son dernier mot.
« C'est comme ça que tu vois les choses, alors ? Je sais que nous deux c'est... compliqué, mais tu pourrais au moins passer un peu plus de temps avec les filles. Elles ne méritent pas de payer les pots cassés pour nous. »
Un nouveau soupire m'échappe. Encore cette conversation. Je repousse les draps d'un geste brusque, passe une jambe au dessus de lui et m'assoie sur son entrecuisse, attrapant ses poignets dans le même temps.
« Non, Line, tu ne peux pas tout régler en- »
Sa voix s'étouffe pour se muer en gémissement.